Les conditions d’émergence des néologismes
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COLODROVSCHI, Natalia. Les conditions d’émergence des néologismes. In: Tradiţie şi modernitate în abordarea limbajului: Materialele colocviului comemorativ international consacrat aniversării a 65-a de la naşterea profesorului Mircea Ioniţă, 25 noiembrie 2006, Bălţi. Bălţi: Universitatea de Stat „Alecu Russo" din Bălţi, 2006, pp. 173-177. ISBN 978-9975-50-014-2 .
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Tradiţie şi modernitate în abordarea limbajului 2006
Colocviul "Tradiţie şi modernitate în abordarea limbajului"
Bălţi, Moldova, 25 noiembrie 2006

Les conditions d’émergence des néologismes


Pag. 173-177

Colodrovschi Natalia
 
Université d'État "Alecu Russo" de Balti
 
 
Disponibil în IBN: 24 martie 2020


Rezumat

Tout code implique la possibilité de se situer en dehors et d’en transgresser certaines règles. La langue ne fait pas exception et c’est notamment dans le domaine du lexique que les transgressions sont les plus nombreu ses. Certaines circonstances favorisent même l’éclosion de formes néologiques. La créativité lexicale n’est pas exercée d’une manière uniforme par tous les membres de la communauté linguistique et dans toutes les situations d’énonciation. Un certain nombre de raisons peut expliquer l’émergence de néologismes, qui sont souvent perçues en français comme des violations du code, des hardiesses que beaucoup jugent injustifiables. L’irruption d’un élément lexical non conventionnel obéit à des pressions sur lesquelles les récepteurs peuvent difficilement ne pas s’interroger quand ils le perçoivent: pourquoi ce néologisme? Il n’y a pas bien sûr de réponses assurées à ces questions, mais dans la présente étude nous nous proposons néanmoins identifier un certain nombre de facteurs qui favorisent l’émergence des néologismes. Il y a unanimité à penser qu’une langue qui n’évolue plus est une langue morte. La langue doit pouvoir permettre de parler des nouvelles réalités qui apparaissent ainsi que des nouvelles manières d’être ou de penser de la ou des communautés qui la parlent. C’est pour cette raison que nous croyons que l’une des causes des plus importantes de l’émergence des néologismes est celle due à l’évolution du monde.  Le souci d’adapter les langues à leur époque a toujours existé, mais il a pris une autre vigueur récemment, avec l’accélération des découvertes, la rapidité de leur transmission dans de larges franges des populations, et l’internationalisation plus grande. Une partie de cette évolution relève de la terminologie. L’Institut National de la Langue Francaise a relevé 900.000 néologismes jusqu’en 2004. Les deux tiers des publications françaises actuelles relèvent de langues de spécialité et on compte 45.000 désignations nouvelles chaque année. Les néologismes révolutionnaires constituent un deuxième facteur favorisant l’apparition de nouvelles créations. Derrière la langue, c’est la société, le monde, qui sont visés, avec une volonté de remise en question, un désir de bousculer des situations établies, pour créer autre chose. Le rôle du vocabulaire au moment de la Révolution française a été fondamental, comme l’illustre, pour ne prendre qu’un seul exemple, l’institution du calendrier révolutionnaire avec les nouveaux noms de mois. Les néologismes d’A. Rimbaud (comme bombiner dans “Voyelles”: A, noir corset velu des mouches éclatantes/ Qui bombinent autour des puanteurs cruelles), de L.-F. Céline, des surréalistes ( Il le pratèle et le libucque et lui baroufle les ouillais) de Michaux45 ne relèvent pas du seul souci esthétique, mais ont de plus vastes ambitions.Parfois aussi le changement de dénomination démasque une volonté de modifier la manière de concevoir certaines réalités. Il n’est pas indifférent d’avoir remplacé l’infamant fille mère, donné comme vieilli ou péjoratif dans le Petit Robert, par mère célibataire. Puis la discrimination femme/homme (père célibataire n’est pas attesté) disparaît avec les foyers monoparentaux. Le troisième facteur pourrait être nommé les néologismes dus au principe d’économie. Abréviations et siglaisons sont, comme le rapelle G. Mounin46, deux procédés qui répondent au souci d’économie, dont le rôle important dans le fonctionnement des langues a été mis en relief par Martinet. Un néologisme peut être économique de deux autres façons. Il permet d’éviter une périphrase (ou une définition qui serait plus longue), ou bien il permet l’omission d’un discours explicatif, puisque le mot porte en lui-même un jugement de valeur sur ce qu’il dénomme. Chimiquier, par exemple, désigne «le navire conçu pour transporter des produits chimiques». La fonction dénominative a pour rôle essentiel de remplacer par une lexie une phrase ou un syntagme descriptif, plus ou moins long. Dès qu’en particulier un objet manufacturé vient à être mis sur le marché, une désignation par néologisme s’impose. Lave-vaisselle est plus économique que machine à laver la vaisselle.  Les néologismes dus au souci d’exactitude forment une cinquième cause dans notre classification. Le rêve de disposer d’un mot pour chaque chose et de pouvoir désigner chaque chose par un mot n’est pas près d’être réalisé, et ne peut être formulé que par des personnes ignorant ce que sont les langues naturelles. Néanmoins, on ressent parfois le besoin de créer un nouveau mot, pour éviter des confusions possibles. Un niveau de langue plus élevé ou des exigences pratiques conduisent à donner de nouveaux noms à de nouveaux objets ou à de nouveaux concepts. Particulièrement instructifs sont les cas où des progrès dans une technique conduisent à différencier des produits et à donner des noms non seulement aux nouveaux mais aussi aux anciens pour éviter tout risque de confusion. Le concept de «néologie à rebrousse-temps» de J. Pohl47 n’est pas très éloigné des conceptions présentées ici. C’est ainsi que l’apparition des disques compacts a fait dénommer disques noirs ou disques vynil les objets qu’on appelait du simple nom de disques auparavant. De la même manière, la diffusion des lave-vaisselles a conduit à l’élimination de machine à laver (qui pouvait devenir ambigu) au profit de lave-linge. Les travaux sociolinguistiques inspirés par la thèse de W. Labov48 ont montré que les variantes dans les emplois ou les appréciations de formes linguistiques sont liées à des paramètres d’âge, d’appartenance socioculturelle et d’origine géographique. En ce sens, nous croyons que les néologismes seraient aussi une marque d’intégration dans le monde. G. Matoré49 a bien montré que les néologismes dits «de luxe» correspondent en fait à des besoins. Leur création obéit à des nécessités liées aux circonstances de temps, de lieu, etc. Un des rôles essentiels de certains néologismes est d’intégrer l’individu dans un groupe plus ou moins grand, plus ou moins stable, défini par des critères divers. Il s’agit souvent de s’intégrer dans un ensemble plus vaste, d’être de son siècle, d’être branché. Ce souci conduit à adopter certaines lexies ou certainces manières de s’exprimer. Les mots «à la mode» se renouvellent vite dans la mesure où ils sont repris par une grande partie de la population et qu’il y a dès lors une rapide usure et le désir de se démarquer à nouveau. C’est géant a supplanté, c’est extra qui commence à dater, mais pas autant que c’est sensass, c’est bath ou c’est épatant, par exemple. Le sentiment de néologicité dure néanmoins un certain temps et on peut à juste titre considérer comme néologiques les mots à la mode tant que dure ce sentiment. La durée n’est pas même pour tous les membres de la communauté linguistique, certains groupes sociaux, constitués de personnes plus agées, par exemple, n’adoptent des néologismes qu’après qu’ils sont passés de mode chez leur créateur. Outre le choix de certaines lexies, le parlé «à la mode» reflète une prédilection pour quelques suffixes. Malgré tout ce qui a été écrit sur l’inaptitude du français à la dérivation, force est de constater qu’elle ne se porte pas si mal. Des suffuxes indiqués comme moribonds ont un sursaut de vie remarquable. Nous avons, par exemple, le suffixe -esque (ayatollesque, pélicanesque, clochemerdesque, guignolesque), le suffixe -issime, utilisé pour la formation du superlatif (connissime, soldissime, sobrissime).Défendre et illustrer la langue est aussi une raison pour créer des néologismes. Ce goût pour la langue sur lequel se fonde un grand nombre de jeux de mots se manifeste aussi par le désir de la défendre et de l’enrichir, comme l’avaient fait, entre autre, les poètes de la Pléiade. A l’heure actuelle à l’attitude puriste hostile à toute innovation s’opposent le laisser-faire et le laisser-aller. Entre ces deux extrêmes, des attitudes nuancées se manifestent. Toute langue qui n’évolue plus devient vite une langue morte: l’innovation dans le lexique d’une langue est inéluctable, mais elle se manifeste dans des proportions différentes dans la langues générale et dans les domaines de spécialité et elle recourt à des procédés divers. Comme le XIXe siècle l’avait fait contre les emprunts aux langues savantes et surtout au grec, on se focalise depuis le milieu du XXe siècle, sur les anglicismes et donc sur ce qu’Etiemble a appelé le franglais. Dans les années 1950, les linguistes ont écrit sur la déficience de la dérivation française, et certains, tels que Robert-Léon Wagner50, préconisaient le recours à de «vigoureux plans étrangers» plutôt qu’à une morphologie qui, comme une terre qu’on ne laisse pas reposer, ne produit plus rien de bon. D’autres (Emile Benveniste, Louis Guilbert51) montraient l’apparition de nouvelles formes de composition nominale. Confrontés à ces discussions , certains choisirent d’agir et de montrer par exemple la vivacité du français, en remettant ainsi en circulation des mots ou des expressions oubliés (lourpidon, vespériser), en créant de nouvelles formes ou de nouveaux emplois. En guise de conclusion nous voudrions dire que, comme nous avons pu remarqué dans la présente recherche, les conditions d’émergence des néologismes et les pressions responsables de leur création sont à la fois nombreuses et variées. Il serait pretentieux de prétendre les avoir énumérées toutes, mais on a essayé d’analyser quelques-unes de celles qui nous ont semblé le plus souvent présentes et déterminantes.